La signification comme phénomène linguistique et philosophique

Hendrik Pos

Translated by Patrick Flack

pp. 217-226


La signification, au sens linguistique, est une propriété qui accompagne toujours les sons d’une langue. Son champ s’étend à toutes les langues existantes, autant celles qui se sont développées historiquement que celles qui ont été construites artificiellement. Dans toute communauté linguistique, les sons de la langue se combinent en unités plus ou moins grandes selon des règles déterminées. Ces unités, mots ou groupes de mots, possèdent une signification, ce qui revient à dire qu’ils peuvent être compris dans la communication via le langage. Cette signification est toujours reliée à un substrat acoustique qui possède des propriétés mélodiques telles que l’intonation et le timbre. La phonologie postule qu’un système particulier de phonèmes se trouvent à la base de tous les mots et groupes de mots d’une langue déterminée. Nombre de systèmes ont certains éléments en commun. Il est généralement admis que dans tous les systèmes, les éléments et leurs relations sont produits par le flux expiratoire – dans certains cas inspiratoire – de la respiration avec l’aide du larynx, des cordes vocales, de la gorge, de la bouche, du nez, de la langue, des dents et du palais.

Le chercheur qui étudie les significations linguistiques peut suivre différents chemins. Il peut se concentrer introspectivement sur la conscience du langage qu’ont les locuteurs et auditeurs lorsqu’ils parlent ou écoutent. Il s’agit de l’approche subjective-phénoménologique des phénomènes signifiants. Le chercheur pénètre dans la vie immédiate de la langue et détermine comment celle-ci apparaît au locuteur lui-même. Un certain aspect de la réalité linguistique s’offre ainsi à la connaissance, mais pas la réalité toute entière. En complément à l’approche subjective-phénoménologique, il est nécessaire de se distancer de la conscience immédiate et de s’orienter alors dans une direction objective-historique. Les résultats de ces deux méthodes complémentaires ne peuvent pas être dérivés l’un de l’autre. L’approche subjective-phénoménologique se laisse comparer à l’expérience immature de l’enfant. L’enfant possède un rapport émotionnel profond à ses parents, lesquels forment une part importante de son monde. Mais il n’y a pas de place à l’intérieur de ce monde pour la question de savoir comment les parents s’appellent, ou de qui ils sont eux-mêmes les enfants et petits-enfants ; il y a encore moins de place pour le constat que ce rapport émotionnel n’existe pas seulement pour cet enfant déterminé, mais aussi « en général » pour d’innombrables autres enfants et leurs parents. La réalité objective-historique existe au-delà du monde de la conscience infantile auquel les propres parents sont mêlés de façon intime et irremplaçable. Toute approche subjective-phénoménologique de la langue et du langage revêt ainsi toujours un aspect infantile. Cette remarque n’est par ailleurs nullement critique, elle signale seulement que la science du langage et de la signification demeure incomplète sans un complément objectif-historique. Aujourd’hui, en linguistique on reconnaît mieux la nécessité de compléter la perspective synchronique-phénoménologique par une approche diachronique-historique que cela n’était le cas il y a quelques décennies de cela, lorsque la découverte de la synchronie paraissait neuve.

Ce qui apparaît comme un fait de la conscience dans une perspective subjective-phénoménologie s’avère être tout autre chose d’un point de vue objectif-historique. La différence est si conséquente que l’on peut parler de l’aspect subjectif comme d’une illusion : l’immédiateté de la vie est pénétrée et dépassée par une réalité cachée mais pourtant plus concrète. Subjectivement, dans chaque communauté linguistique les mots signifient les choses elles-mêmes ; on les ressent comme une dénotation adéquate et vraie des choses. Objectivement, cette position n’est pas tenable car ce sentiment de l’adéquation d’un mot est partagé par chaque communauté linguistique pour des contenus toutefois différents. Subjectivement, le langage ne change pas, alors qu’objectivement il se transforme en continu. Subjectivement, le langage est fixe et pour chaque individu, son propre langage est le seul qui soit vrai. Objectivement, le langage est soumis à un processus de transformation qui ne parvient à la conscience immédiate qu’après une très longue durée, comme par exemple lorsqu’un Néerlandais doit lire quelque chose du XVIème siècle ou qu’il lit un texte orthographié selon les règles de Siegenbeek.1 Subjectivement, on éprouve un accord entre le mot et sa signification : objectivement, le problème est de savoir comment un mot déterminé a obtenu cette signification, ou plutôt, comment cette signification, dans cette langue déterminée, est utilisée pour cette dénomination. Parce que ce fait est si familier dans le vécu qui accompagne la langue habituelle, personne ne pense que les sons et les significations sont deux phénomènes bien distincts, mais cela constitue justement un problème pour la perspective objective : comment ces deux types de phénomènes si différents se sont-ils unis ? Alors que subjectivement tout mot ou groupe de mots est une signification, il est objectivement le cas que le mot a cette signification. Celui qui connaît une langue ne peut faire autrement qu’entendre la signification simultanément au son – le son comme signification – alors que celui qui ne la connaît pas s’enquiert de la signification possédée par le son. Autant, lorsqu’on écoute de la musique, on ne pense pas que ce que l’on entend est « seulement » du bruit, puisque sonorité et contenu sont perçus ensemble, autant la réflexion sépare-t-elle en aspects sensibles et intelligibles les phénomènes qui formaient une unité dans le vécu. Le problème que, ce faisant, la réflexion se pose à elle-même peut être clarifié, mais pas résolu en retournant au vécu.

Pour cette raison, il est nécessaire d’abandonner les certitudes subjectives limitées et leur reflet phénoménologique lorsque l’on veut obtenir un aperçu des phénomènes de la signification plus profond que cela n’est possible à l’intérieur des restrictions que la science du langage impose et maintient au service de l’exactitude et du confort de la définition. Essayons donc maintenant de placer le langage dans un contexte plus large. Lorsque le flux expiratoire n’est pas articulé par les soi-disant organes du langage, il n’y a pas de langage. Comme la respiration a lieu tant qu’il y a de la vie, cela implique qu’elle précède le langage et non vice versa. La respiration est nécessaire pour parler, mais parler n’est pas nécessaire pour respirer. Le langage est intermittent, il est une spécification ou une sorte de déviation de la respiration, laquelle, avec le cœur, est porteuse de la vie. Une difficulté qui émerge lorsqu’on essaye de revenir à ce fondement porteur est que l’on parle du langage, on le reproduit et l’illustre, alors que l’on s’appuie en fait sur des phénomènes qui restent toujours silencieux et qui ne peuvent être dit que par nous. Il faut garder à l’esprit qu’il est illusoire de penser que ce que l’on dit pour notre part à leur sujet soit la vraie source des phénomènes eux-mêmes, à défaut de quoi on risque de tomber dans une vision du réel déformée par une absolutisation du langage. En gardant à l’esprit la distinction entre ce qui est dit et ce dont on parle, il nous faut oser parler du langage, malgré le danger que l’on court alors de parler à travers le langage et de prendre l’écho de nos propres paroles pour les choses elles-mêmes.

Retournant maintenant du langage à son substrat, qui ne parle pas mais est seulement parlé, on remarque que la signification dans son ensemble n’est pas un phénomène qui colle aux sons ou aux autres signes sensibles perceptibles. Il y a une imbrication primitive de toute signification avec le sensible, mais en un sens ou à un niveau qui gît plus profondément que le langage, et dont celui-ci n’est qu’une spécification.

La parole est toujours intermittente : mais est-il vrai que quand l’homme ne parle pas il ne pense, ne ressent et ne désire pas non plus ? Le linguiste qui pour des raisons méthodologiques limite son étude des significations aux séries de sons par lesquelles elles sont données ne l’avouera pas explicitement, mais il se comporte de fait comme s’il pensait que cela est le cas quand il affirme que ce qui n’appartient pas à sa recherche ne l’intéresse pas. Par contraste, le philosophe doit prendre ici position et souligner que cela ne revient pas au même d’exclure quelque chose de la recherche ou de faire comme si cette chose n’existait pas. En effet, on court de la sorte le danger de tenir ces deux positions pour identiques. Il y a beaucoup de choses dans la vie et la conscience qui restent entièrement hors du langage ou qui ne peuvent être exprimées que très partiellement par lui, quand bien même on s’y efforce. Cela est vrai avant tout de la compréhension entre êtres humains. Mais c’est aussi le cas pour une personne seule, que l’on présente comme si, lorsqu’elle est consciente, elle se disait sans cesse lentement à elle-même : « lèves-toi maintenant, laves-toi, prends le tram » ou, « soit tranquille, soit brave ». Un tel monologue semble superflu et ne correspond aucunement à l’expérience. Il n’est nul besoin d’un discours intérieur pour se décider à agir ou s’auto-discipliner, une dynamique intérieure suffit. Si une personne doute d’elle-même ou de l’action qui est requise dans certaines circonstances, alors un monologue intérieur peut lui procurer du soutien, parce qu’il a dans ce cas une fonction analogue à un proverbe mural que l’on a constamment sous les yeux et qui apporte du soutien à une volonté vacillante. On le lit encore et encore, on le dit à voix haute et c’est alors comme si quelqu’un d’autre nous adressait la parole.

Il va sans dire que le langage est notre compagnon intérieur dans les moments de crise de la vie. Mais cela est moins le cas pour des actions qui avaient initialement le soutien du langage mais qui se passent de son aide à mesure qu’elles s’automatisent. De telles actions sont très nombreuses. Toute profession est exercée sur la base de tels mécanismes. Ceux-ci n’entravent pas nécessairement l’originalité et l’inventivité, bien au contraire. L’existence muette mais néanmoins réelle et concrète de l’être humain connaît comme pôle extrême d’un côté des états de joie, d’effroi, de consternation ou de solennité qui se dispensent de l’accompagnement du langage, et de l’autre côté toutes les tâches quotidiennes qui par la force de l’habitude sont effectuées sans un mot et sans faute.

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La réalité humaine qui se cache derrière le langage est faite d’ambitions, d’émotions et de représentations. Celles-ci trouvent un appui, une échappatoire et parfois un masque dans le langage ; en tous les cas, elles existent en-deçà du langage. Maintenant que nous avons pénétré dans le substrat humain du langage, nous pouvons essayer de parvenir encore un peu plus loin dans les tréfonds de la vie, dont l’être humain est le creusement le plus profond.

Il existe des êtres vivants d’une constitution relativement simple, comme par exemple la classe des reptiles, que l’on peut couper en deux, après quoi la tête est capable de régénérer la queue et inversement. En tant que penseur, nous sommes fascinés par la question de savoir ce qui se passe avec de tels êtres. La différenciation sensible dont font montre les animaux supérieurs et l’être humain ne les caractérise pas. Ils semblent aussi sentir d’une manière toute différente. Le ver réagit en se tordant de manière violente à l’opération qui le transforme en deux être distincts. A-t-il senti ce que nous pensons qu’il a senti ? Nous ne le savons pas et cela n’est d’ailleurs pas très probable, puisque nous attribuons à l’animal muet notre propre tremblement d’horreur à l’idée d’une telle mutilation. D’un autre côté, cependant, il se tortille bien violemment, il a visiblement été tiré de son repos. Le repos constituait sa vie avant notre violente intervention, à laquelle il réagit par des contractions impuissantes. Un repos sourd, comme nous pouvons aussi l’observer chez l’animal aquatique muet et inerte dans un aquarium qui demeure des heures durant immobile dans une cavité dont il a la même couleur. Il semble dormir sans interruption, il ne se passe apparemment rien en lui, alors pourtant que la séparation originaire grâce à laquelle les être vivants se trouvent dans et vis-à-vis d’un monde caractérise aussi son existence. Immobile, désintéressé et oisif, il ne réagit à rien, pas même aux observateurs humains derrière la vitre de l’aquarium. Ne se passe-t-il donc vraiment rien en lui ? Il a pourtant une gueule et un œsophage, qui de temps à autre requièrent de la nourriture ! Peut-il rester en vie si jamais il n’ouvre et referme sa gueule ? On est prêt à dire que oui, car pendant les heures où on l’a observé, il n’a pas bronché. On attend patiemment la confirmation de la thèse d’Aristote sur la mobilité, mais elle paraît ne pas vouloir se matérialiser. Et finalement, la confirmation vient malgré tout : un petit poisson naïf file le long de la cavité, la gueule s’ouvre et se ferme en un éclair, le repos inerte est rétabli et nous savons maintenant que l’animal vit : il a bougé, il s’est incommodé. Il vit, cela signifie : il bouge de temps à autre, c’est-à-dire quand dans son monde quelque chose rompt son indifférence, reçoit une signification. On détecte ici la signification dans sa forme originaire, comme l’actualité de la vie elle-même. Ou sommes-nous peut-être dupe d’une illusion verbale qui présente deux phénomènes différents du tout au tout sous un seul et même nom ? Y a-t-il une parenté entre les significations qu’explorent le sémanticien et les phénomènes de la vie élémentaire organique qui viennent d’être mentionnés ?

À mon avis, la réponse est que la signification du petit poisson pour l’animal inerte et la signification dont parle la sémantique sont liées comme un très ancien aïeul à sa plus lointaine descendance. Malgré toutes les différences – à propos desquelles nous aurons bientôt plus à dire – les liens essentiels sont demeurés intacts dans la chaîne quasiment infinie de la dérivation originaire. Le monde de l’animal, si primitif qu’il soit, est plein de significations, ou plutôt, ce monde est une succession de significations dans lequel l’animal et son monde sont à peine différentiables. Tout organisme est sensible et pour cela il possède un monde auquel il réagit. Connaissance et action sont tout aussi peu différenciées ici que perception et réaction. Notre animal aquatique, qui gisait comme s’il était mort, a soudainement fait un mouvement avec sa gueule qui constitue la réponse à une stimulation que seule une perception très spécifique peut occasionner. Nous ne devons surement pas dire qu’il a préparé son action et l’a accompagné d’un monologue comme celui-ci : « Qu’est-ce qui passe par ici ? Je connais ce phénomène très bien, c’est un petit poisson de cette espèce. Une bonne nourriture pour moi, qui va me plaire donc : j’attaque ! ». Même chez l’homme, un tel acte ne résulte que dans des cas exceptionnels de telles délibérations ! Ne laissons-nous séduire par aucun intellectualisme et reconnaissons au minimum que chez les animaux de classe inférieure se manifeste une certaine unité de perception et de réaction qui ne résulte pas d’une coïncidence, et que la distinction entre perception cognitive et réaction agissante n’apparaît peut-être que chez l’homme.

En tous les cas, il n’y a pas de raison de déplacer cette différentiation vers l’arrière, dans des créatures qui ne présentent qu’une unité encore indifférenciée de la sensibilité et de la réaction – unité qui n’est plus présente, ou ne l’est pas constamment, chez l’être humain.

Comme on ne peut s’approcher du prototype du phénomène de la signification d’une manière autre que reconstructive, nous sommes contraints d’utiliser comme point de départ les distinctions qui caractérisent le monde humain de la signification pour ensuite nier celles-ci et les faire apparaître comme le point d’arrivée d’un processus à la détermination duquel elles sont initialement nécessaires, bien qu’elles adviennent en vérité seulement comme un résultat de ce processus. La comparaison du monde humain de la signification avec ses formes préhistoriques dans le règne animal produit ainsi un double éclairage. Il s’agit en effet autant de mener aussi loin que possible une reconstruction rétrospective des formes les plus élémentaires que de déterminer aussi clairement que possible les enrichissements et les différentiations qui distinguent le degré humain de son stade initial.

Le chemin rétrospectif vers l’élémentaire, de même que le chemin opposé vers la vie différenciée des significations, compte beaucoup d’étapes. À chaque phase appartient un potentiel et une illusion propres. La différentiation grandissante vers le haut consiste en de nouvelles dimensions de possibilités sémantiques, en fonction desquelles les unités élémentaires s’embranchent et se séparent. Dans la vie élémentaire, la perception d’une signification n’occasionne pas de réaction qui pourrait ne pas apparaître sous certaines conditions, comme si elle était différente de la perception : la perception qui provoque un organisme hors de son repos indifférent est ici encore la même chose que la réaction elle-même à ce qui est perçu. La signification n’est originairement rien d’autre que la manière dont la vie est auto-mouvement. Dans le processus d’évolution vers des formes de vie supérieures apparaissent ensuite des renforcements, certes aussi via des chemins de traverses et des égarements. C’est un long chemin qui va de la certitude instinctive de la vie élémentaire jusqu’à la dispersion, la complexité et l’incertitude de la vie liée aux significations que mènent des créatures comme nous, lesquelles donnent l’impression de ne pouvoir aller ni de l’avant, ni de l’arrière, alors que pourtant elles ne restent pas non plus stables. Dans cette impasse, d’aucuns se sentent envahit par un sentiment d’inutilité qui les empêche de donner à leur vie un sens qu’ils auraient trouvé sans difficultés à un niveau inférieur. Sur ce long chemin se situent les étapes de la vie à travers lesquelles la signification se développe, à partir de son identification avec une réaction vitale, en quelque chose qui est retenu, reconnu, perçu à nouveau, remémoré et généralisé. Depuis que les vertébrés supérieurs se sont mis à marcher droit, la tête s’est raffinée en un organe que la respiration expiratoire module en sons linguistiques. Un nouvel embranchement dans la vie des significations a ainsi été créé : à partir de ce moment, des sons ont pu prendre la place de ce qui avait jusque-là été l’objet de souvenirs sans paroles, de reconnaissances et de réactions. On a ainsi beaucoup gagné, bien que les dangers étaient non négligeables. Bien plus tard seulement sont arrivés des linguistes qui ont su objectifier la langue et la déterminer par des signes. Et les philosophes ont enseigné que la langue et les mots sont prioritaires par rapport à la réalité, puisqu’ils sont capables de clamer le monde muet dans son existence même. Cela ne ressemble-t-il pas aux illusions de ceux qui se laissent prendre à croire qu’il n’y a que de la signification, alors qu’il y a du langage ? Ces illusions peuvent être dépassées si l’on emprunte un chemin que les linguistes ne prennent généralement pas, autrement dit, si en s’émancipant du langage lui-même on extrapole et réduit le phénomène de la signification. Le linguiste tend ici la main au philosophe, dont la tâche est de découvrir les limitations de son investigation et de les dépasser. Συνοπτικός ό φιλόσοφος. Quand l’aveuglement du linguiste qui s’occupe de la signification rejoint la clairvoyance du philosophe, leur vision de la réalité s’en trouve plus riche que lorsque chacun emprunte son propre chemin.

NOTES

1 Matthijs Siegenbeek (1774-1854), académicien qui établit la première orthographe de la langue néerlandaise en 1804.

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